Appel à communications
Etudes Irlandaises
Numéro Spécial • 2020
Pratiques et praticiens : techniques, technologies et nouveaux médias dans la création irlandaise contemporaine
L’actuelle hybridation des procédés et techniques dans la création artistique en Irlande est peut-être l’heureux symptôme d’une réconciliation entre tradition et modernité, entre culture nationale et tendances internationales. Elle s’inscrit dans une évolution plus large ayant conduit à un élargissement de l’œuvre qui peut désormais inclure les différentes phases de sa réalisation (l’œuvre devient un projet parfois documenté par un blog), proposer une réflexion sur le processus de création, sur son impact sur le milieu ou l’environnement, sur son inscription dans une culture ou un genre, ou assembler des propositions in-situ plurielles (environnement ou installations) et rassembler des intervenants divers.
Les rapports entre art et technique ont donné lieu à d’innombrables écrits philosophiques et débats artistiques. La question du beau, celle de l’unicité de l’œuvre reposant sur la virtuosité et l’inventivité du génie créateur est au cœur de ces débats.
La philosophie de l’art a proposé une distinction relativement étanche entre technique et art : Alain, dans son Système des Beaux-Arts, concède que l’artiste peut s’apparenter à l’artisan mais affirme que la réalisation mécanique et la reproductibilité nuisent à l’imprévisibilité mystérieuse et magique de la création artistique : l’artiste, explorateur et expérimentateur avant tout, déborde les règles imposées par une technique. Henri Bergson, quant à lui, rapproche la technique de l’utile et du matériel tandis que l’art est libéré de toute recherche utilitaire, voué à la recherche d’un beau idéel. Les réflexions de Walter Benjamin, après l’invention de la photographie, sur la reproductibilité de l’œuvre et la perte de son aura ont également marqué l’histoire du rapport entre art et technique. Chez Theodor Adorno, qui écrit après que les avant-gardes artistiques ont ébranlé les hiérarchies artistiques, le dialogue entre art et technique se fait fertile. C’est que, dès la fin du 19e siècle, les artistes ont vu dans la technologie et l’artisanat une manière de replacer l’art dans la vie. William Morris a prôné une réconciliation de l’art et de l’artisanat et associé beauté à utilité ; dans son sillage, les modernistes ont reconnecté l’art à la vie et célébré la beauté des objets mécaniques ou industriels tandis que les postmodernistes ont réfuté les hiérarchies artistiques, la construction romantique de l’artiste génie, l’unicité adossée à la non-reproductibilité de l’œuvre comme garante du Beau. L’homogénéisation et la standardisation culturelles de l’Après-Guerre, la résistance à la marchandisation de l’art, la recherche – notamment chez les artistes féministes – de techniques ou pratiques défiant les hiérarchies établies ont incité les artistes à retisser des liens avec les pratiques artisanales. L’artisanat qui requiert un savoir-faire technique (tekhnè) spécifique, un rapport sensible et symbolique au matériau et qui est parfois ancré dans une tradition locale, peut être d’abord perçu comme opposé aux nouvelles technologies. Or, certaines nouvelles technologies et médias (le numérique, les imprimantes 3D, la génétique, le clonage ou la culture cellulaire) ont permis aux artistes de développer de nouvelles pratiques et de réfléchir à notre rapport au réel, à la vérité, à l’authenticité mais également à notre rapport à la nature (land art ; environmental art) ; au vivant (bioart) ; au politique et aux idéologies.
Les récents « tournants » théoriques et politiques du posthumanisme ; le développement de la recherche-création ou des résidences d’artistes sont autant d’éléments qui soulignent la vitalité et la transversalité des arts contemporains en Irlande. Ce numéro spécial d’Etudes Irlandaises propose d’explorer les propositions des artisans et des artistes, ainsi que leurs pratiques et leurs méthodes.
Nous sollicitons des contributions d’auteurs issus de disciplines variées : histoire de l’art; philosophie, sociologie, anthropologie, communication et nouveaux médias, etc. Parmi les approches possibles mais non exclusives :
- Artisanat : rencontres, pratiques, enjeux, création et créativité,
- Art et politique : création artistique, performance, activisme, engagement, environnement
- Hybridations : matières, mobilités, croisements arts/sciences, nouveaux médias, archives et conservation
- Méthodes et modèles : recherche et création, résidences et communautés d’artistes, musées et collaborations, nouvelles épistémologies
- Nouveaux ancrages : lieux et publics de l’art, environnements, interactions, expérimentations, art et diaspora, transnationalisme…
Les propositions de communications détaillées en français ou en anglais et accompagnées d’une brève notice biographique, seront envoyées conjointement à Anne Goarzin (anne.goarzin@univ-rennes2.fr) et Valérie Morisson (valeriemorisson@gmail.com) avant le 30 janvier 2019.
Après notification d’acceptation des propositions, les articles finalisés devront être envoyés pour le 15 juillet 2019 et feront l’objet d’une évaluation externe en double aveugle.
Ils devront respecter la feuille de style de la revue Etudes Irlandaises, disponible ici <https://journals.openedition.org/etudesirlandaises/2729>
Call for Papers
Etudes Irlandaises
Special Issue • 2020
Making and Makers : Techniques, Technology and New Media
In Contemporary Irish Creation
The current hybridisation of processes and techniques in Irish artistic creation may be interpreted as an encouraging symptom of the reconciliation of tradition and modernity, or of national culture and international trends. It is also part of more wide-ranging artistic developments which have led to an expanded definition of the work of art, which may now comprise the successive phases of its conception and production. The work of art may also turn into a wider project, at times documented on a blog. It may also offer a self-reflexive approach to creation, critically registering its own making or pondering its impact on the environment. It may alternatively assess its own inscription in a specific culture or genre. The very notion of authorship is equally being challenged by artistic projects assembling diverse site-specific interventions (installations, environments) or gathering various actors or participants.
The central question of the relation between art and technique has been widely scrutinized. Philosophers, critics and art historians have written extensively on beauty, and they have theorized the work of art’s uniqueness and its reliance on the virtuosity and inventiveness of the creative artist.
Philosophy has traditionally established a distinction between art and technique. In his Système des Beaux-Arts, Alain acknowledges that an artist may partly be an artisan, but he also claims that both mechanical production and replicability undermine the mysterious and magical potency of artistic creation : being primarily an explorer and experimenter, he suggests, the artist transgresses and transcends the limits imposed by one given technique. Henri Bergson associates technique with utility and with the material while art, being aimed at creating ideal beauty, eschews utility. Walter Benjamin’s writings on photography and on how mechanical reproduction affects the aura of the work of art have also been very influential in assessing the relation between art and technique. Theodor Adorno explored this issue in the wake of the shattering of artistic hierarchies by the avant-gardes and he encouraged a fruitful dialogue between art and technique. In point of fact however, as early as the end of the 19th century there were artists/ makers who were committed to reviving both artisan and technical know-how and culture, in an attempt to reconnect art and life. William Morris advocated a reconciliation between art and craftsmanship, beauty and utility and in his wake, the modernists celebrated the beauty of mechanical or industrial objects, while the post-modernists went on to discard artistic hierarchies, deconstructing the romantic notion of the artist as a solitary genius and challenging the idea of uniqueness and non-replicability as the conditions of the aesthetic experience. The cultural homogenisation and standardisation of the Post-War era, the resistance to the commodification of art, as well as the necessity – and notably so for female artists – to use materials challenging established norms and hierarchies equally fuelled a desire to revisit artisan practices.
Artisanship requires specific skills (tekhnè) and a sensory and symbolical relation with the material which may be rooted in local traditions and therefore perceived as exclusive of modern technologies. In the fields of industrial production, communication, medicine or other sciences however (e.g. 3D printers, cell culture, digital imagery, etc.), new technologies and media have provided inspiration for novel, sometimes hybrid artistic practices allowing artists to investigate anew the referentiality of art and its authenticity as well as its relation with the natural environment (land art ; environmental art), with other living organisms (bioart), and with the political and the ideological.
The recent theoretical and political turn to the posthuman and the development of research-creation and of artists’ residencies testify to the vitality and the transversality of the approaches to artistic creation in Ireland. This thematic issue of Etudes Irlandaises aims to explore the projects, practices and methods of contemporary makers / artists / artisans.
We invite submissions, from various disciplines including art history, philosophy, sociology, anthropology, IT, media and communication, etc. Some possible approaches for this special issue may include but are not limited to the following:
- Artisanship : encounters, practices, scope, creation and creativity,
- Art and politics : artistic creation, performance, activism, militant art, environmental art.
- Hybridisation : materials, mobility, cross-overs of arts and sciences, new media, archives and conservation.
- Methods and models : research-creation, residencies and artistic communities or collaborations, curatorial practices, new epistemologies.
- New anchorages : public and site-specific works, environnements, interactions, experimentations, art and diaspora, transnationalism…
Please send 250-word abstracts in French or in English and a brief biographical note to Pr. Anne Goarzin (anne.goarzin@univ-rennes2.fr) and Dr. Valérie Morisson (valeriemorisson@gmail.com) by January 30, 2019. Potential authors will be notified. Full-length submissions will be expected by July 15, 2019. They will then be submitted to double blind peer-review.
Submissions should follow the journal’s guidelines <https://journals.openedition.org/etudesirlandaises/2729>
Ouvrages de reference • Select bibliography
Barber, Fionna. 2015. Art in Ireland: Since 1910. Reprint edition. London: Reaktion Books.
Boon Marcus and Gabrielle Levine. 2018. Practice (Documents of Contemporary Art) , 2018. London, (Documents of Contemporary Art) Whitechapel Gallery.
Brett, David, Liam Kelly, and Christine Bridgewater. 1995. Poetic Land, Political Territory: Contemporary Art from Ireland. First Edition edition. Sunderland: Ben Uri Gallery & Museum.
Golding, Viv, and Wayne Modest. 2013. Museums and Communities: Curators, Collections, and Collaboration. London ; New York: Berg Publishers.
Harrod, Tanya, Craft (Documents of Contemporary Art). 2018. London, Whitechapel Gallery.
Kelly, Noel, and Sean Kissane. 2011. Creative Ireland: The Visual Arts: Contemporary Visual Arts in Ireland 2000-2011. Dublin: Visual Artists Ireland.
Lange-Berndt, Petra. 2015. Materiality (Documents of Contemporary Art). London, Whitechapel Gallery.
Moi, Ruben, Charles Armstrong, and Brynhildur Boyce, éd. 2014. The Crossings of Art in Ireland. New edition edition. Oxford ; New York: Peter Lang AG, Internationaler Verlag der Wissenschaften.
Moulon, Dominique. 2011. Art contemporain nouveaux médias. Paris: Nouvelles éditions Scala.
Simon, Nina. 2010. The Participatory Museum. Museum 2.0.
Turf & Grain Magazine, Issue 3 : « Makers ». Spring 2018. http://www.turfandgrain.com/