Les élections générales de juin 2017 ont conduit à un parlement sans majorité absolue, que la tradition britannique désigne comme « suspendu ». Il n’est en effet ni vraiment enraciné dans le peuple, la délégation de souveraineté ne pouvant pleinement opérer une fois pour toutes, ni capable d’assurer un soutien pérenne au premier ministre désigné par le monarque.
Faute de majorité alternative, comme de pouvoir convoquer rapidement les électeurs à nouveau, Theresa May s’est logiquement tournée vers le seul parti idéologiquement proche du sien, le DUP nord-irlandais, attirant ainsi l’attention sur ce territoire. Cette attention fut d’emblée d’autant plus vive que l’absence, depuis alors cinq mois, d’un gouvernement autonome à Belfast y avait fortement ravivé les tensions et appelait une réponse urgente, indépendamment du jeu politique à l’échelle du royaume dans son ensemble. Ce blocage résultait des désaccords majeurs entre les deux partis qui codirigeaient antérieurement la Province : le Sinn Féin nationaliste et, précisément, le DUP loyaliste.
Que ce dernier se soit révélé extrêmement exigeant dans ses négociations avec les Conservateurs fut à la fois une complication, sans doute imprévue avec une telle ampleur, pour Theresa May, et un coup d’éclairage sur le jeu politique nord-irlandais qui faisait ainsi une irruption marquée sur la scène nationale. L’opinion publique britannique découvrit à cette occasion le caractère très traditionnel, pour ne pas dire plus, du projet sociétal du DUP. Par ailleurs le paradoxe apparent entre son soutien à un ‘Hard Brexit’ et sa volonté de maintenir la frontière inter-irlandaise la plus ouverte possible, une ‘Soft Border’, lui était difficilement compréhensible.
Dans le même temps, Theresa May ne devait sa majorité relative qu’à la réussite des conservateurs écossais, passés de un seul à treize sièges. Ce succès lui était d’autant plus précieux qu’il mettait fin à l’embarras d’un gouvernement peu représentatif pour cette nation, qu’il repoussait à un horizon lointain le spectre de l’indépendance et, enfin, qu’il était le seul dont elle pouvait se targuer au lendemain d’une élection globalement calamiteuse.
Mais les conservateurs écossais apparurent vite comme les artisans de leur propre succès, le rôle de Londres n’ayant été que marginal. Il était donc indispensable à Theresa May de leur faire une large place, d’autant qu’ils s’étaient dotés d’un substantiel degré d’autonomie. Ce ne fut pas le cas, sans doute initialement en raison de leur opposition à toute forme de ‘Hard Brexit’, opposition qui allait jusqu’au souhait de rester dans le Marché Unique.
Forte d’un gain de 12 sièges qui contrastait avec les 21 perdus en Angleterre leur leader, Ruth Davidson, alla jusqu’à parler de schisme potentiel pour les conservateurs écossais, tout en s’opposant très vigoureusement à l’alliance avec le DUP, en raison notamment du programme sociétal de ce dernier.
Au total le parlement ‘suspendu’ élu le 9 juin 2017 ne peut se concevoir qu’autour du parti conservateur, mais ce dernier a tout autant besoin de ses alliés nord-irlandais que de ses affiliés écossais, lesquels ont des programmes –et des exigences- contradictoires. Dans ce contexte les négociations sont appelées à se prolonger dans le temps, sur la base du cas par cas et, sur le plan spatial, à inclure trois échelles : les modalités du Brexit, l’architecture institutionnelle du Royaume et le fonctionnement des institutions dévolues.
Cette journée d’études pourra examiner (liste non limitative) :
– le jeu des partis face au Brexit,
– l’instrumentalisation et le rôle des questions sociétales (homosexualité et réchauffement climatique notamment) dans le jeu politique,
– l’histoire des parlements suspendus et de leur devenir,
– l’irruption des franges celtes dans les débats nationaux : réalité ou effet d’aubaine pour ces dernières ( ?),
– l’interférence entre les élections locales, générales et régionales,
– la dimension unioniste du parti conservateur,
– les relations irlando-écossaises et inter-irlandaises,
– le débat au pays de Galles.
Les propositions de communications (300 mots + courte notice biographique) sont à envoyer à Philippe Brillet (phbrillet@hotmail.com) avant le 15 décembre 2017.
Université François Rabelais / Laboratoire ICD (Tours) Tours, vendredi 30 mars 2018